Cheval athlète : Développer la masse musculaire

24.10.2019 -

L’alimentation, un levier pour le développement de la masse musculaire chez le cheval athlète

 

Par LAB TO FIELD, société de recherche spécialisée en physiologie de la digestion et physiologie de l’exercice chez le cheval

Les muscles : déterminant central de la performance !

Il existe trois types de muscles dans l’organisme : les muscles lisses, en charge par exemple de la motricité digestive, le muscle cardiaque, et les muscles squelettiques. Ces derniers sont de loin les plus nombreux et les plus lourds chez le cheval. En effet, les muscles squelettiques peuvent représenter plus de 55% du poids des grands athlètes équins dans certaines races, comme les pur-sang. Ils sont notamment responsables du maintien de la posture et des mouvements du corps.

Pour certains cas, à l’exception des disciplines d’endurance, une augmentation de la masse musculaire est corrélée à une meilleure performance sportive chez l’athlète équin comme chez l’athlète humain. Ceci s’explique par la physiologie du muscle : la force d’un muscle dépend de la surface de section des fibres qui le constituent. Plus les fibres sont hypertrophiées (développées), plus le muscle peut produire des contractions puissantes. Attention toutefois, car la corrélation entre masse musculaire et performance ne vaut que si les athlètes n’ont pas un excès de masse grasse…

Le développement de la musculature du cheval athlète est donc un enjeu majeur afin qu’il réalise les performances permises par son potentiel génétique. 

Des tissus en permanente évolution

En dehors de l’eau, qui constitue environ les trois quarts du poids des muscles squelettiques, ces tissus sont principalement constitués de protéines, et sont en permanence détruits et reconstruits. Au niveau biologique, il y a donc simultanément un contrôle des processus de dégradation des protéines musculaires (protéolyse) et de synthèse de nouvelles protéines (protéosynthèse). Lorsque protéolyse et protéosynthèse s’équilibrent, le volume musculaire est stable. Si la protéolyse est supérieure à la protéosynthèse, ceci conduit à une atrophie musculaire (perte de masse). Au contraire, si la protéosynthèse est supérieure, une hypertrophie musculaire est observée. La connaissance des mécanismes pilotant la lyse et la synthèse musculaire a fortement progressé ces dernières années. Bien que la majorité des travaux ait été conduite pour des applications humaines, les quelques études réalisées chez le cheval laissent à penser que les mécanismes sont analogues. De manière simplifiée, plusieurs protéines, dont l’enzyme mTOR (mechanistic target of rapamycin pathway), forment dans les cellules musculaires le complexe protéique mTORC1. Ce complexe pilote la synthèse de protéines musculaires : la traduction de l’ARN messager pour synthétiser des protéines musculaires est enclenchée lorsque le complexe est activé. Son inactivation prolongée, à cause d’une longue inactivité, de certaines maladies ou médicaments inhibiteurs mène à une atrophie musculaire (repos, convalescence, rééducation).

L’activation du complexe mTORC1 répond à différents signaux, qui peuvent être d’origines hormonales ou nutritionnelles. Au cours d’un effort intense, une augmentation (1) des taux circulants d’insuline et d’IGF-1 (insulin-like growth factor 1) est mesurée, de même qu’une augmentation (2) de la concentration en acides aminés circulants, et une augmentation (3) en calcium et acide phosphatidique dans les cellules musculaires en réponse à l’activité. Indépendamment l’une de l’autre, chacune de ces trois voies a la capacité à activer le complexe mTORC1, bien que la concentration en acides aminés semble être le facteur prédominant. Lorsque plusieurs voies sont stimulées simultanément, la synthèse de protéines musculaires est supérieure. Au contraire, le complexe mTORC1 est inactivé lorsque la concentration en glucose ou en ATP dans les fibres musculaires est faible, ou quand les cellules musculaires sont en hypoxie. Ceci permet aux cellules des muscles squelettiques d’épargner leur énergie au cours de l’effort, lorsqu’elles sont en état de stress. La synthèse de protéines musculaires est donc un processus qui opère pendant les heures de repos qui suivent l’exercice.

L’alimentation, facteur de variation de la croissance musculaire

Pour que la protéosynthèse puisse avoir lieu de façon optimale, il est essentiel que les acides aminés, éléments constitutifs des protéines, soient présents en concentrations suffisantes dans le sang immédiatement après la stimulation des muscles par un travail de force. Les quantités optimales de protéines à apporter dans la ration des chevaux au travail n’ont pas été déterminées. Sur la base de leur expertise, certains chercheurs recommandent d’apporter 1000 à 1500 grammes de protéines brutes par jour pour un cheval de 500 kg au travail intense afin de couvrir avec certitude les besoins et de ne pas limiter la protéosynthèse. La composition optimale en acides aminés des protéines à apporter au cheval n’est pas connue. Toutefois, il est supposé que la « protéine idéale cheval » doit présenter une composition proche de la protéine de lait maternel ou de la protéine de muscle squelettique. Pour un cheval de 500 kg au travail intense, ceci correspondrait à un besoin quotidien de 50 g de lysine et de 40 g de thréonine, premiers acides aminés limitants dans la ration.

Pour l’athlète humain, de nombreux travaux ont mis en évidence que la période de consommation des protéines par rapport au moment où l’exercice était pratiqué influait fortement la protéolyse et la protéosynthèse. Il ressort de ces travaux que plus l’ingestion de protéines intervient précocement après l’exercice (voire pendant l’exercice), plus la synthèse des protéines musculaires est efficace. En parallèle, il a été observé que des taux circulants élevés d’acides aminés pendant et après l’effort atténuaient fortement la protéolyse. Par contre, il a également été mis en avant que consommer des quantités importantes de protéines plusieurs heures après un exercice de force n’avait que peu d’effet sur la protéosynthèse. Chez le cheval, seules deux études ont été conduites sur ces sujets, et concluent que l’ingestion de protéines immédiatement après un effort intense permet également de réduire la protéolyse et d’augmenter la protéosynthèse liées à l’exercice. 

Il serait donc intéressant d’apporter dès la fin du travail un repas riche en protéines de qualité au cheval pour augmenter le développement musculaire.

Parmi les stratégies nutritionnelles étudiées chez l’homme, plusieurs études mettent en avant les effets bénéfiques de coupler apports protéiques et glucidiques immédiatement après l’effort. En effet, la digestion des sucres simples entraine une augmentation de l’insulinémie, qui a en parallèle un effet anabolisant et limite la destruction des protéines musculaires. Chez le cheval également, des résultats comparables ont été observés mais des études complémentaires sont nécessaires pour préciser les quantités optimales de protéines et glucides à apporter après un effort.